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LÉLIA.

vous vous étonnez de n’être pas encore ennuyés les uns des autres ! En effet, cela est merveilleux, vu le choix et l’assortiment de vos seigneuries. Pour moi, j’y tiendrais bien huit jours, mais à condition que j’y dormirais tout le temps.



Sténio tomba par terre… (Page 83.)

— Et pourquoi n’allez-vous pas dormir ailleurs, dit Zamarelli. Feu l’excellent prince de Bambucci, qui mourut l’an passé plein de gloire et d’années, et qui fut certes le premier buveur de son siècle, aurait condamné à l’eau à perpétuité, ou tout au moins aux galères, l’ingrat qui se serait endormi à sa table. Il soutenait avec raison qu’un véritable épicurien doit réparer ses forces par une vie bien réglée, et qu’il y avait autant d’impiété à dormir devant les flacons qu’à boire seul et triste dans une alcôve. Quel mépris cet homme aurait eu pour toi, Sténio, s’il t’eût vu occupé à chercher le plaisir dans la fatigue, faisant tout à contre-mesure, veillant et composant des poëmes quand les autres dorment, tombant épuisé de lassitude à côté des coupes pleines et des femmes aux pieds nus ! »

Soit affectation, soit épuisement, Sténio ne sembla pas avoir entendu un mot du discours de Zamarelli ; seulement, au dernier mot, il souleva un peu sa tête appesantie en disant :

« Et où sont-elles ?

— Elles ont été changer de toilette, afin de nous paraître au matin belles et rajeunies, répondit Antonio. Veux-tu que je te cède ma place tout à l’heure auprès de la Torquata ? Elle était venue ici sur ta demande ; mais comme au lieu de lui parler, tu as dormi toute la nuit…

— Peu m’importe, tu as bien fait, répondit Sténio, insensible en apparence à tous ces sarcasmes. D’ailleurs je ne me soucie plus que de la maîtresse de Marino. Zinzolina, faites-la venir ici.

— Si tu avais fait une pareille demande avant minuit, dit Marino, j’aurais pu te faire avaler les morceaux de ton verre ; mais il est six heures, et ma maîtresse a passé tout ce temps ici. Prends-la donc maintenant si elle veut. »

Zinzolina se pencha à l’oreille de Sténio.

« — La princesse Claudia, qui est malade d’amour pour toi, Sténio, sera ici dans une demi-heure. Elle entrera sans être vue dans le pavillon du jardin. Je t’ai