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SIMON.

son visage, parce que d’une main elle la tenait abaissée comme pour défendre une vue faible de l’éclat du soleil. Cette main était si belle et cette démarche si alerte, que Simon ne put s’y tromper. C’était Fiamma. Il eut bien de la peine à s’empêcher de courir après elle.



Vous avez violé ces conventions… (Page 27.)

« Gardez-vous-en bien, lui dit Parquet : ce serait une indiscrétion. Puisqu’on se déguise, c’est qu’on ne veut pas que vous sachiez qu’on était là. D’ailleurs, peut-être nous sommes-nous trompés !

— Ce n’est pas moi qu’elle peut tromper en se déguisant, dit Simon. N’ai-je pas reconnu ces deux raies bleues au poignet, reste des cruautés du bec d’Italia ?…

— Oh ! l’oeil de l’amant ! dit Parquet. Eh bien ! Simon, qu’est-ce que je te disais ? On t’aime, et tu as du talent ; et un jour…

— Et un jour je me brûlerai la cervelle, répondit Simon en lui pressant vivement le bras, si je me laisse prendre à vos belles paroles. Mon ami, épargnez-moi, dans ce moment surtout, où je n’ai pas bien ma tête, et où je ne me soutiens plus qu’avec peine…

— Appuie-toi sur moi, lui dit Parquet, tâchons de rejoindre ta mère dans cette foule, et viens avec moi boire du bishof à la maison. Je n’y manque jamais après avoir plaidé, et je m’en trouve bien : d’ailleurs je ne serai pas fâché d’en boire moi-même ; j’ai sué, tremblé et brûlé plus que toi en t’écoutant. »

Simon, n’osant aller encore à Fougères, écrivit à Fiamma pour la remercier des encouragements qu’elle lui avait donnés et auxquels il devait le bonheur de son début. Il était bien résolu à ne pas violer son vœu, mais néanmoins il lui échappa malgré lui des paroles passionnées et l’expression d’une vague espérance.

Fiamma le comprit et lui répondit une lettre fort affectueuse, mais plus réservée qu’il ne s’y était attendu. Elle semblait rétracter avec une extrême adresse le sens passionné que Simon eût pu donner aux trois mots de son premier billet, et lui faire entendre qu’il y aurait folie de sa part à prendre pour une déclaration d’amour cette parole écrite, ou plutôt criée du fond d’une âme fraternelle, en un moment de sainte sollicitude. En parlant succinctement du départ de son cousin, elle ne perdait pas l’occasion de parler de son aversion pour le mariage et de l’incapacité de son âme pour tout autre sentiment que l’amitié et le dévouement politique. Elle finissait en