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VALENTINE.

brassa sa sœur et Athénaïs, tendit la main à Bénédict, qui, cette fois, osa la baiser, et s’enfuit dans le parc. À travers la grille, Bénédict vit pendant quelques instants flotter sa robe blanche qui s’éloignait parmi les arbres ; il aurait oublié toute la terre, si Athénaïs, l’appelant du fond de la carriole, ne lui eût dit avec aigreur :

— Eh bien ! allez-vous nous laisser coucher ici ?



Voyez donc comme elle est belle, ma Valentine
(Page 17.)

XV.

Personne ne dormit à la ferme dans la nuit qui suivit cette journée. Athénaïs se trouva mal en rentrant ; sa mère en conçut une vive inquiétude, et ne consentit à se coucher que pressée par les instances de Louise. Celle-ci s’engagea à passer la nuit dans la chambre de sa jeune compagne, et Bénédict se retira dans la sienne, où partagé entre la joie et le remords, il ne put goûter un instant de repos.

Après la fatigue d’une attaque de nerfs, Athénaïs s’endormit profondément ; mais bientôt les chagrins qui l’avaient torturée durant le jour se présentèrent dans les images de son sommeil, et elle se mit à pleurer amèrement. Louise, qui s’était assoupie sur une chaise, s’éveilla en sursaut en l’entendant sangloter ; et se penchant vers elle, lui demanda avec affection la cause de ses larmes. N’en obtenant pas de réponse, elle s’aperçut qu’elle dormait et se hâta de l’arracher à cet état pénible. Louise était la plus compatissante personne du monde ; elle avait tant souffert pour son compte, qu’elle sympathisait avec toutes les peines d’autrui. Elle mit en œuvre tout ce qu’elle possédait de douceur et de bonté pour consoler la jeune fille ; mais celle-ci se jetant à son cou :

— Pourquoi voulez-vous me tromper aussi ? s’écria-t-elle ; pourquoi voulez-vous prolonger une erreur qui doit cesser entièrement tôt ou tard ? Mon cousin ne m’aime pas ; il ne m’aimera jamais, vous le savez bien ! Allons, convenez qu’il vous l’a dit.

Louise était fort embarrassée de lui répondre. Après le jamais qu’avait prononcé Bénédict (mot dont elle ne pouvait apprécier la valeur), elle n’osait pas répondre de l’avenir à sa jeune amie, dans la crainte de lui apprêter une déception. D’un autre côté, elle aurait voulu trouver un motif de consolation ; car sa douleur l’affligeait