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VALENTINE.

distingua les pas de son mari. Alors elle se leva et courut vers la porte.



Et si c’était pour Bénédict ! dit Athénaïs. (Page 28.)

Ce mouvement faillit éclater Bénédict. Il sortit à demi de sa cachette pour aller brûler la cervelle à cette femme impudique et menteuse ; mais Valentine n’avait eu d’autre intention que de verrouiller sa porte.

Cinq minutes se passèrent dans le plus complet silence, au grand étonnement de Valentine et de Bénédict ; celui-ci s’était caché de nouveau, lorsqu’on frappa doucement. Valentine ne répondit pas ; mais Bénédict, penché hors des rideaux, entendit le bruit inégal de sa respiration entrecoupée ; il voyait son effroi, ses lèvres livides, ses mains crispées contre le verrou qui la défendait.

« Courage, Valentine ! allait-il s’écrier, nous sommes deux pour soutenir l’assaut ! » lorsque la voix de Catherine se fit entendre.

— Ouvrez, Mademoiselle, disait-elle ; n’ayez plus peur ; c’est moi, je suis seule. Monsieur est parti ; il s’est rendu aux raisons de madame la marquise et à la prière que je lui ai faite en votre nom de se retirer. Oh ! nous vous avons faite bien plus malade que vous n’êtes, j’espère, ajouta la bonne femme en entrant et recevant Valentine dans ses bras. N’allez pas vous aviser de l’être aussi sérieusement que nous nous en sommes vantées, au moins !

— Oh ! tout à l’heure je me sentais mourir, répondit Valentine en l’embrassant ; mais à présent je suis mieux, tu m’as sauvée encore pour quelques heures. Après, que Dieu me protège !

— Eh ! mon Dieu, chère enfant ! dit Catherine, quelles idées avez-vous donc ? Allons, couchez-vous. Je passerai la nuit auprès de vous.

— Non, Catherine, va te reposer. Voici bien des nuits que je te fais passer. Va-t’en ; je l’exige, je suis mieux ; je dormirai bien. Seulement enferme-moi, prends la clef, et ne te couche que lorsque toute la maison sera fermée.

— Oh ! n’ayez pas peur. Tenez, voici qu’on ferme déjà ; n’entendez-vous pas rouler la grosse porte ?

— Oui, c’est bien. Bonsoir, nourrice, ma bonne nourrice !

La nourrice fit encore quelques difficultés pour se retirer ; elle craignait que Valentine ne se trouva plus mal dans la nuit. Enfin elle céda et se retira après avoir fermé la porte, dont elle emporta la clef.