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LÉLIA.



Et il montrait le couvent… (Page 118.)

Alors, en songeant aux troubles passés et à la sérénité du présent, je les prends à témoin de ma soumission. Ô mânes sanctifiés ! leur dis-je, ô vierges sœurs ! ô Agnès la belle ! ô douce Maria del Fiore ! ô docte Franscesca ! venez voir comme mon cœur abjure son ancien fiel, et comme il se résigne à vivre dans le temps et dans l’espace que Dieu lui assigne ! Voyez ! et allez dire à celui que vous contemplez sans voile : — Lélia ne maudit plus le jour que vous lui avez ordonné de remplir ; elle marche vers sa nuit avec l’esprit de sagesse que vous aimez. Elle ne se passionne plus pour aucun de ces instants qui passent. Elle ne s’attache plus à en retenir quelques-uns, elle ne se hâte plus pour en abréger d’autres. La voilà dans une marche régulière et continue, comme la terre qui accomplit sa rotation sans secousses, et qui voit changer du soir au matin la constellation céleste, sans s’arrêter sous aucun signe, sans vouloir s’enlacer aux bras des belles Pléiades, sans fuir sous le dard brûlant du Sagittaire, sans reculer devant le spectre échevelé de Bérénice. Elle s’est soumise, elle vit ! Elle accomplit la loi. Elle ne craint ni ne désire de mourir : elle ne résiste pas à l’ordre universel. Elle mêlera sa poussière à la nôtre sans regret, elle touche déjà sans frayeur nos mains glacées. Voulez-vous, ô Dieu bon ! que son épreuve finisse, et qu’avec le lever du jour elle nous suive où nous allons ?

Alors il me semble que, dans la brise qui lutte avec l’aube, il y a des voix faibles, confuses, mystérieuses, qui s’élèvent et qui retombent, qui s’efforcent de m’appeler de dessous la pierre, mais qui ne peuvent pas encore vaincre l’obstacle de ma vie. Je m’arrête un instant, je regarde si ma dalle blanche ne se soulève pas, et si la centenaire, debout à côté de moi, ne me montre pas Maria del Fiore doucement endormie sur la première marche de notre caveau. En ce moment-là, il y a, certes, des bruits étranges au sein de la terre, et comme des soupirs sous mes pieds. Mais tout fuit, tout se tait, dès que l’étoile du pôle a disparu. L’ombre grêle des cyprès, que la lune dessinait sur les murs, et qui, balancée par la brise, semblait donner le mouvement et la vie aux figures de la fresque, s’efface peu à peu. La peinture redevient immobile ; la voix des plantes fait place à celle des oiseaux. L’alouette s’éveille dans sa cage, et l’air est coupé par des sons pleins et distincts, tandis que les grands lis blancs