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L’USCOQUE.

vous l’êtes, et enfin vous le serez. Croyez-moi, les choses se passent ainsi en vertu de lois physiologiques que je vous expliquerai quand vous voudrez. »



Ne prenez aucune pilule, lui dit celui-ci… (Page 39.)

Orio voulut connaître ces lois. Le docteur lui fit une dissertation amèrement spirituelle que le patricien ignorant et préoccupé prit au sérieux. Orio se persuada tout ce que voulut son médecin, et celui-ci le quitta, frappé pour la centième fois de sa vie de la faiblesse d’esprit et de l’horreur de la mort que les débauchés cachent sous les dehors et les habitudes d’un mépris insensé de la vie.

Dès le jour même, Orio, roulant dans sa tête les projets les plus déraisonnables et les espérances les plus puériles, se rendit à Saint-Marc à l’heure de la bénédiction. En lui promettant la santé par des moyens aussi simples, en flattant sa vanité par l’éloge de son énergie, le docteur avait prononcé des mots magiques. Soranzo espérait dormir la nuit suivante.

Il écouta les chants sacrés ; il examina avec intérêt les pompes religieuses ; il admira l’intérieur de la basilique ; il s’attacha à n’avoir aucun souvenir du passé, aucune pensée du dehors. Pendant une heure il réussit à vivre tout entier dans l’heure présente. C’était beaucoup pour lui. La nuit n’en fut guère moins affreuse ; mais le matin approchait : il se fit une sorte de fête de retourner à Saint-Marc, et, comme les gens en proie aux maladies nerveuses sont quelquefois soulagés d’avance par la confiance qu’ils ont en de certains breuvages, il lui arriva de se trouver bien heureux d’avoir en vue, pour la première fois depuis si longtemps, une occupation agréable, et cette idée le fit dormir tranquillement durant toute une heure.

Le médecin vint, et, s’étant fait rendre compte du résultat de son ordonnance, il dit :

« Vous passerez deux heures aujourd’hui à Saint-Marc, et, la nuit prochaine, vous dormirez deux heures. »

Soranzo le prit au mot, et passa deux heures à l’église. Il était tellement persuadé qu’il dormirait deux heures, que le fait eut lieu. Le médecin s’applaudit d’avoir trouvé un de ces sujets précieux à l’observateur scientifique, auxquels il suffit d’allumer l’imagination pour que les effets désirés se produisent réellement. Il en conclut que le sang d’Orio était bien appauvri, et son âme absolument vide d’idées et de sentiments. Le troisième jour, il lui conseilla de songer à son plus impor-