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JEAN ZISKA.

le poignard sur la gorge de lui révéler le secret du couvent. Les vieux moines se laissèrent maltraiter cruellement et gardèrent le silence. Le malheureux abbé fut mis à la torture et ne révéla rien. Il en mourut peu de jours après, emportant son secret dans la tombe. Les historiens catholiques du temps en font un martyr. Quant à Miesteczki, il n’emporta de son expédition que les vases sacrés, la cassette particulière de l’abbé, et autres bribes dont il acheta le château et la ville d’Opokano. Puis, pour racheter son âme de ce sacrilège, il fit une rude guerre aux hussites, qui pendirent son drapeau à un gibet de Prague. Plus tard, assiégé par eux dans Chrudim, il se fit hussite pour avoir la vie sauve, et ravagea encore les couvents avec eux, le métier étant fort de son goût. Enfin il rentra en grâce avec Sigismond après toutes ces aventures, et mourut peut-être en odeur de sainteté. Les Bénédictins d’Opatowitz furent repris et repillés par les Taborites. On ne dit pas si ceux-là trouvèrent le trésor. Peut-être existe-t-il encore sous quelque ruine aux entrailles de la terre.



Et resta planté comme une statue… (Page 16.)

Puisque nous consacrons ce chapitre aux épisodes ainsi que notre auteur[1], qui en rapporte bien d’autres plus hors de saison, nous finirons par celle de Puchnick, évêque de Prague, mort avant la prédication de Jean Huss. Wenceslas, qui était fort railleur, le fit appeler un jour et lui demanda de prendre dans son trésor autant d’or qu’il en pourrait emporter sur lui. Le prélat, moins discret et moins prudent que Charles iv ne l’avait été chez les Bénédictins d’Opatowitz, remplit tellement ses poches, sa robe et ses bottines, qu’il ne put faire un pas pour s’en aller, et resta planté comme une statue devant l’ivrogne couronné, qui riait à faire écrouler les voûtes de son palais. Quand il eut fini de rire, Puchnick fut déchargé de son butin jusqu’à la dernière obole, et renvoyé honteusement aux huées des serviteurs. Telles étaient les mœurs du temps et les manières de la cour. L’avarice du clergé de Bohême était devenue proverbiale. Le peuple comparait les moines à des animaux immondes auxquels les couvents servaient d’étables. Il en fit justice avec la brutalité et la férocité qu’on retrouve au moyen âge

  1. M. Lenfant, Histoire du concile de Bâle.