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UN HIVER À MAJORQUE.

manité, les hommes ont renversé ces autels sanguinaires, abominables au Dieu de miséricorde. »



Armoiries.


V.

Ce n’est pas à Palma, mais à Barcelone, dans les ruines de la maison de l’inquisition, que j’ai vu ces cachots creusés dans des massifs de quatorze pieds d’épaisseur. Il est fort possible qu’il n’y eût point de prisonniers dans ceux de Palma lorsque le peuple y pénétra. Il est bon de demander grâce à la susceptibilité majorquine pour la licence poétique que j’ai prise dans le fragment qu’on vient de lire.

Cependant je dois dire que, comme on n’invente rien qui n’ait un certain fonds de vérité, j’ai vu à Majorque, un prêtre, aujourd’hui curé d’une paroisse de Palma, qui m’a dit avoir passé sept ans de sa vie, la fleur de sa jeunesse, dans les prisons de l’inquisition, et n’en être sorti que par la protection d’une dame qui lui portait un vif intérêt. C’était un homme dans la force de l’âge, avec des yeux fort vifs et des manières enjouée. Il ne paraissait pas regretter beaucoup le régime du saint office.

À propos de ce couvent des dominicains, je citerai un passage de Grasset de Saint Sauveur, qu’on ne peut accuser de partialité ; car il fait, au préalable, un pompeux éloge des inquisiteurs avec lesquels il a été en relation à Majorque :

« On voit cependant encore dans le cloître de Saint-Dominique des peintures qui rappellent la barbarie exercée autrefois sur les juifs. Chacun des malheureux qui ont été brûlés est représenté dans un tableau au bas duquel sont écrits son nom, son âge, et l’époque où il fut victime.

« On m’a assuré qu’il y a peu d’années les descendants de ces infortunés, formant aujourd’hui une classe particulière parmi les habitants de Palma, sous la ridicule dénomination de chouettes, avaient en vain offert des sommes assez fortes pour obtenir qu’on effaçât ces monuments affligeants. Je me suis refusé à croire ce fait…

« Je n’oublierai cependant jamais qu’un jour, me