Page:Sand - Adriani.djvu/128

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l’amour dans mon grenier. Il me trompa. L’idéal pour moi, c’est de vivre à deux. Il ne se réalisa pas. Je respecte mes souvenirs ; mais le milieu où je pouvais mériter et savourer le bonheur vrai ne se fit pas autour de moi ; et j’avais, d’ailleurs, une soif trop ardente des joies parfaites, qui ne sont pas semées en ce monde et qu’on n’y rencontre probablement qu’une fois.

» Je ne brisai rien, j’échappai à tout. Je ressentis et je causai des chagrins dont il ne m’appartenait pas de trouver le remède. La fuite seule pouvait en faire cesser le renouvellement. Je partis. Je voyageai. Le produit fort modeste de quelques publications musicales, qui eurent du succès, me permit de ne rien devoir à la libéralité de mes enthousiastes. Pour un homme qui a quelque talent spécial et point d’ambition, le monde est accessible, et partout je me vis comblé d’égards, ce que je préférai à être comblé d’argent. Je pus consentir à être associé aux plaisirs des riches et des grands de la terre, et je peux dire que je n’y fus pas recherché seulement comme chanteur. On voulut bien me traiter comme un homme, quand on me vit me conduire en homme. Je ne sache pas avoir eu à payer d’autre écot, que celui d’être et de demeurer moi-même. Et, en vérité, je ne comprends guère qu’un artiste qui se respecte ait besoin d’autre chose que d’un habit noir et d’une complète absence de vices et de prétentions, pour se trouver à la hauteur de