Page:Sand - Adriani.djvu/140

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célèbre, j’en conviens ; mais, nous autres habitants du Midi, nous savons bien qu’on y donne le nom de château à de maigres pigeonniers. Sachez cela aussi, mon cher enfant, et ne vous laissez pas éblouir par de beaux yeux baignés de larmes ; d’autant plus que, je ne sais pas si c’est vrai et si vous avez été à même de vous en apercevoir, la châtelaine du Temple passe pour être un peu folle.

— Fort bien, reprit Adriani ; vous croyez que je songe à m’établir selon les habitudes et les calculs de la vie bourgeoise !

— Mon Dieu, cher ami, pardonnez-moi, dit le baron. Je sais que vous êtes un grand artiste, des plus fiers, incorruptible quand il s’agit de la Muse ; mais je suis un peu sceptique, vous savez ! J’ai cinquante ans, et je sais que, le lendemain du jour où l’artiste est riche, il est déjà ambitieux. Pourquoi ne le seriez-vous pas ? La fortune n’est qu’un but pour celui qui, comme vous et moi, aspire à de poétiques loisirs… Vous avez dit tout à l’heure un mot qui m’a frappé, étonné, je l’avoue ; un mot qui jurait dans votre bouche inspirée…

— Oui, j’ai dit : Elle n’a que cela ? et c’était un cri de joie. Écoutez-moi, cher baron : j’aime cette femme. Je la vois tous les jours, et, comme, en gardant le silence, je pourrais la compromettre auprès de vous, puisque vous riez déjà d’une aventure que vous jugez accomplie