Page:Sand - Adriani.djvu/181

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mécontentement par la moindre émotion, que vous persistiez dans cette bizarrerie de vous croire affranchie de tous les liens que subissent sans effort les âmes bien nées. J’aurais cru que le temps et le recueillement de la solitude, que les fruits de la prière et la gravité de votre rôle de veuve, vous procureraient enfin le courage de donner le bon exemple. Je suis persuadée que vous ne sentez pas le danger où vous mettez les âmes, en vous montrant si consternée, si indifférente aux témoignages d’estime qui vous entourent. Permettez à mon affection de vous dire qu’on se doit aux autres, et que les regrets les mieux fondés, le chagrin le plus légitime, peuvent revêtir une apparence de romanesque et de passionné qui ne sied point à une jeune femme…

La marquise en était là de son sermon, quand Toinette entra, la figure bouleversée, en disant à Laure :

— Madame, vous plaît-il de venir un instant ?

— Qu’est-ce donc ? dit la marquise en se levant. Est-il arrivé un accident à quelqu’un de la maison ?

— Non, madame, répondit Toinette embarrassée. C’est quelqu’un qui demande à voir madame Octave.

— Un homme de la campagne ? reprit la marquise. Qu’il vienne ; nous écoutons tout le monde.

— Non, dit Laure, qui avait compris, du premier regard, le trouble de Toinette, et dont le cœur s’ouvrait