Page:Sand - Adriani.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et voilà, répondit Adriani avec impétuosité, ce que je ne peux pas vous accorder, moi ! Je sais très-bien contre quels souvenirs, contre quels découragements j’ai à lutter pour vous vaincre. De loin, j’échouerai à coup sûr. Mes lettres, en supposant que vous vous engagiez à les lire, ne prouveront rien en ma faveur. Des paroles ne sont pas des actions. Si vous me chassez, je suis perdu, je le sais ; je suis maudit !

Adriani, à cette pensée, fut si fortement ému, que sa figure s’altéra et que des larmes vinrent au bords de ses paupières ; de vraies larmes qu’une excitation volontaire n’arrachait pas au système nerveux d’un artiste, mais qu’une douleur véritable répandait dans la voix et sur le visage d’un homme, en dépit de lui-même.

Laure les vit, et l’effet en fut si soudain et si sympathique sur elle, que ses yeux s’humectèrent aussi.

— Non, lui dit-elle, je ne veux pas que vous partiez triste ; je ne veux pas vous avoir rendu malheureux, ne fut-ce que passagèrement ! Vous resterez près de nous jusqu’à ce que je vous aie fait consentir à vous éloigner sans amertume. — Toinette, va, je te prie, faire préparer la chambre de M. Adriani. Je l’invite à passer quelques jours chez moi. — Maman, ajouta-t-elle dès que Toinette fut sortie, je vous demande pardon de prendre ce parti sans vous consulter. Il est des circonstances, je le vois, où la conscience et le cœur sont d’accord pour comman-