Page:Sand - Adriani.djvu/209

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nette m’a gardée, évanouie ou égarée, des nuits entières. Et, quand je me traînais dans votre salon, vous ne me pardonniez pas une distraction, une méprise de nom ou de personne, qui ne pouvait être taxée d’impolitesse que par des amis sans cœur et des parents sans entrailles.

» Eh bien, vous m’avez réduite à un tel état de contrainte morale, que je me suis sentie, un jour, abrutie et comme retombée en enfance. C’est alors que je me suis éloignée de vous pour respirer, pour tâcher de reprendre mes esprits. Je n’avais pas de but devant moi ; je m’en allais au hasard. J’ai trouvé sur mon chemin une pauvre maison bien laide qui m’appartenait, où j’avais le droit de m’appartenir moi-même, de m’enfermer, de me faire oublier. L’amour d’un homme généreux et tendre est venu m’y trouver. J’ai cru que je ne pourrais y répondre. Par respect pour lui, je suis venue reprendre ma chaîne, croyant qu’il m’oublierait. Il m’a suivie, il est là, il dit que je l’aimerai, il veut que je l’aime. Il attendra que je le connaisse, que je l’apprécie ; il accepte toutes les épreuves, tous les retards, et je le repousserais sans l’entendre ! et je renoncerais à ma dernière chance de salut ! Pourquoi ? Pour ne pas choquer des préjugés que je ne partage pas ? Vous vous trompez cependant en croyant que je suis infatuée d’idées nouvelles et que je porte de l’exaltation dans ma résistance. Hélas ! est-ce que j’ai des idées, moi ? Est-ce que, élevée