Page:Sand - Adriani.djvu/223

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Jusque-là, la maison, peu éclairée, s’était signalée quelquefois à l’approche d’Adriani par un reflet si faible, que, pour des yeux indifférents, il eût été insaisissable. En ce moment elle brillait comme un phare, malgré les rideaux dont il l’avait en quelque sorte voilée ; mais le feu de la cuisine de Mariette projetait sa lueur aux alentours, et c’était comme un heureux présage dans le ciel, comme une fanfare de vie dans l’habitation.

Adriani bondit de joie en voyant arriver Mariotte. Surprise dans l’obscurité, elle poussa un cri si vigoureusement accentué, que Laure l’entendit du salon, et, facilement frappée de l’attente de quelque catastrophe comme celle qui lui avait enlevé Octave, elle sortit et courut impétueusement à la rencontre d’Adriani.

C’était la première fois, depuis trois ans, qu’elle éprouvait une émotion vive, produite par un fait extérieur, et que son corps engourdi reprenait le mouvement de la course. Elle tomba essoufflée, tremblante, dans les bras d’Adriani, mais rajeunie, en fait, de cent ans de langueur qui s’étaient amassés sur sa tête.

Ce fut, relativement au passé, le plus doux moment de la vie de l’artiste. Laure, revenue de son effroi, pleura, mais c’était de joie. Elle entraîna d’un pas rapide Adriani au salon. Elle regarda et admira tout naïvement, appuyée sur son bras, et s’extasiant comme eût fait une provinciale, mais comprenant comme une