Page:Sand - Adriani.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

table, le sacrifice de sa personnalité, de ses goûts, l’abnégation de son juste orgueil et de sa chère indépendance. C’était bien assez de mal, sans y joindre les tortures de la vanité.

Costumé, fardé, assis dans sa loge, entouré de ses plus chauds partisans et de ses amis les plus dévoués, il était absorbé par une idée fixe.

— Adieu, Laure ! adieu, amour que je ne retrouverai jamais ! disait-il en lui-même. Dans cinq minutes, quand le rideau de fausse pourpre aura découvert mon visage, ma personne, mon savoir-faire, mon être tout entier aux yeux de l’assemblée, ton ami, ton serviteur, ton amant, ton époux ne sera plus pour toi qu’un rêve évanoui dont le souvenir te fera peut-être rougir. Ah ! puisse-t-il ne pas te faire pleurer ! Puisses-tu ne m’avoir pas aimé ! Voilà le dernier vœu que je suis réduit à former !

On lui demandait s’il était ému, s’il se sentait bien portant, si son costume ne le gênait pas, s’il n’avait pas quelque préoccupation dont on pût le délivrer dans ce moment suprême. Il remerciait et souriait machinalement ; mais les questions qui frappaient son oreille se transformaient dans sa rêverie. Il s’imaginait qu’on lui demandait : « Est-ce que vous l’aimez toujours ? Est-ce que vous ne vous en consolerez pas ? Est-ce que vous pouvez penser à elle dans un pareil moment ? « Et il répondait intérieurement : « Je suis sous l’empire d’une