Page:Sand - Adriani.djvu/43

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— Pourquoi diable allait-il à la chasse ? dit brusquement d’Argères ; après six mois de mariage, il n’était donc déjà plus amoureux de sa femme ?

— Oh ! que si fait, monsieur ! Amoureux comme un fou, comme un ange qu’il était, le pauvre enfant !

— Alors il était bête, dit d’Argères, entraîné fatalement par je ne sais quel instinct de jalousie à dénigrer le défunt.

— Non, monsieur, reprit Toinette. Il n’était pas bête, il savait se faire aimer.

Elle fit cette réponse sur un ton moitié sublime, moitié ridicule, qui était toute l’expression de son âme naïve et rusée, de son caractère poseur et sincère en même temps ; puis elle continua en baissant la voix d’une manière confidentielle :

— Il n’avait pas reçu une éducation bien savante, il avait fort bon ton : les gens de naissance sucent le savoir-vivre avec le lait de leur mère ; mais il avait fort peu quitté sa province, et mademoiselle de Larnac eût pu choisir un mari plus brillant, plus cultivé, plus semblable à elle, mais non pas un plus galant homme ni un cœur plus généreux. Ils avaient été élevés ensemble, je vous l’ai dit, sous les yeux de madame de Monteluz et sous les miens, car mademoiselle fut orpheline dès l’âge de quatre à cinq ans, et madame sa tante fut sa tutrice avant de devenir sa belle-mère. Nous vivions dans ce beau