Page:Sand - Andre.djvu/107

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au premier acte d’indépendance que votre raison voudra tenter, l’opinion ne vous tient aucun compte d’une sagesse que vous avez si bien prouvée ?

— L’opinion ! l’opinion ! dit Geneviève en rougissant. Ce n’est pas que je la respecte, je sais ce qu’elle vaut, dans ce pays du moins ; mais je la crains. Je n’ai pas de famille, personne pour me protéger ; la méchanceté peut me prendre à partie, comme elle a fait tant de fois pour de pauvres filles qui avaient bien peu de torts à se reprocher. Elle peut me rendre bien malheureuse…

— Oui, si vous manquez de caractère ; mais si vous avez le juste orgueil de la vertu, si vous êtes pénétrée de votre propre dignité…

— Ne dites pas cela, on me reproche déjà d’être trop fière.

— Si j’avais le droit de vous faire un reproche, ce ne serait pas celui-là…

— Et lequel donc ? dit Geneviève vivement ; puis elle s’arrêta tout à coup, et André lut sur son visage qu’elle était fâchée d’avoir laissé échapper cette question, et qu’elle craignait une réponse trop significative.

— Je n’ai pas ce droit, répondit-il tristement, et je ne me flatte pas de l’avoir jamais. Vous craignez le blâme ; quelle raison assez forte auriez-vous pour le braver ? Ne faites pas attention à ce que je vous ai dit. Je déraisonne souvent.

— Cet aveu n’est pas rassurant, dit