Page:Sand - Andre.djvu/217

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d’un air sérieux, tu n’épouseras jamais Geneviève ; elle a bien fait de renoncer à toi.

— Oh ! Joseph, pourquoi me parles-tu ainsi quand je suis si malheureux ? s’écria André en cachant son visage dans ses mains. Que veux-tu que je fasse ? que veux-tu que je devienne ? Tu ne sais donc pas ce que c’est que d’avoir vécu vingt ans sous le joug d’un tyran ? Tu as été élevé comme un homme, toi ; et d’ailleurs la nature t’a fait robuste. Moi, je suis né faible, et l’on m’a opprimé…

— Mais, par tous les diables ! s’écria Joseph, on n’élève pas les hommes comme les chiens, on ne les persuade pas par la peur du fouet. Quel secret a donc trouvé ton père pour t’épouvanter ainsi ? Crains-tu d’être battu, ou te prend-il par la faim ? l’aimes-tu, ou le hais-tu ? es-tu dévot ou poltron ? Voyons, qu’est-ce qui t’empêche de lui dire une bonne fois : « Monsieur mon père, j’aime une honnête fille, et j’ai donné ma parole de l’épouser. Je vous demande respectueusement votre approbation, et je vous jure que je la mérite. Si vous consentez à mon bonheur, je serai pour toujours votre fils et votre ami ; si vous refusez, j’en suis au désespoir, mais je ne puis manquer à mes devoirs envers Geneviève. Vous êtes riche, j’ai de quoi vivre ; séparons nos biens ; ceci est à vous, ceci est à moi ; j’ai bien l’honneur de vous saluer. Votre fils respectueux, André. » C’est comme cela qu’on parle ou qu’on écrit.

— Eh bien ! Joseph, je vais écrire, tu as raison.