Page:Sand - Andre.djvu/218

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Je laisserai la lettre sur une table, ou je la ferai remettre par un domestique après notre départ. Va préparer le char à bancs ; mais prends bien garde qu’on ne te voie…

— Ah ! voilà une parole d’écolier qui tremble. Non, André, cela ne peut pas se faire ainsi. Je commence à voir clair dans ta tête et dans la mienne. J’ai des devoirs aussi envers Geneviève. Je suis son ami ; je dois agir prudemment et ne pas la jeter dans de nouveaux malheurs par un zèle inconsidéré. Avant de courir après elle et de contrarier une résolution qu’elle a encore la force d’exécuter, il faut que je sache si tu es capable de tenir la tienne. Il ne s’agit pas de plaisanter, vois-tu ? Diantre ! la réputation d’une fille honnête ne doit pas être sacrifiée à une amourette de roman.

— Tu es bien sévère avec moi, Joseph ! Il y a peu de temps, tu te moquais de moi parce que je prenais la chose au sérieux, et tu te jouais d’Henriette comme jamais je n’ai songé à me moquer de ma chère, de ma respectée Geneviève.

— Tu as raison, je raisonne je ne sais comment, et je dis des choses que je n’ai jamais dites. Je dois te paraître singulier, mais à coup sûr pas autant qu’à moi-même ; pourtant c’est peut-être tout simple. Écoute, André, il faut que je te dise tout.

— Mon Dieu ! que veux-tu dire, Joseph ? tu me tourmentes et tu m’inquiètes aujourd’hui à me rendre fou.