Page:Sand - Andre.djvu/225

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regret de voir deux élèves d’une si bonne race aller à la boucherie ; mais je ne reculai devant aucun sacrifice pour sauver cet avorton qui ne devait cependant me donner que des chagrins. Je vous gardai à la maison pendant les années où un enfant est le plus désagréable. Je me résignai à entendre les criailleries de maillot, que je déteste ; vous n’avez pas fait une dent sans que j’aie donné un mouchoir ou un tablier à la servante qui prenait soin de vous. C’était, ma foi, une belle fille ! je n’avais pas choisi la plus laide du pays, et je la payais cher ! je voulais qu’on n’eût pas à me reprocher d’avoir négligé quelque chose pour ce fils malingre qui me causait tant d’embarras et qui devait ne m’être jamais bon à rien. Combien de fois ne me suis-je pas levé au milieu de la nuit pour vous préparer des breuvages quand on venait me dire que vous aviez des convulsions ! »

André aurait pu trouver à toutes ces grandes actions de son père des explications fort prosaïques. Sans parler des petits cadeaux à la servante qui, dans le pays, n’étaient pas uniquement attribués à la tendresse paternelle, il aurait pu se rappeler aussi que le marquis avait coutume de passer les nuits dans la plus grande agitation quand un de ses bestiaux était malade ; et, quant aux fameux breuvages qu’il préparait lui-même et pareils en tout à ceux qu’il distribuait largement à ses bœufs de travail, André avait souvent fait, dans son enfance, le