Page:Sand - Andre.djvu/256

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— Eh bien ! laissons le grison au râtelier et descendons à la cave… Vous faites au moins douze pièces de vin par an ?

— Qui se consomment dans la maison, sans compter le vin d’Issoudun.

— Eh bien ! nous retrancherons le vin d’Issoudun ; vous vendrez six pièces de votre crû, et vous couperez le reste avec de l’eau de prunes sauvages : ce qui vous fera douze pièces de bonne piquette bien verte, bien rafraîchissante.

— Va-t’en à tous les diables avec ta piquette ! je n’ai pas besoin de me rafraîchir : ne me parle pas de cela. À mon âge être dépouillé, ruiné, réduit aux plus affreuses privations ! un père qui s’est sacrifié pour son fils dans toutes les occasions, qui s’arrache le pain de la bouche depuis trente ans ! Que faire ? Si j’allais le trouver et lui appliquer une bonne volée de coups de bâton ? Qu’en penses-tu, Joseph ?

— Mauvais moyen ! dit Joseph ; vous l’aigririez contre vous, et il ferait pire : il faut tâcher plutôt de le prendre par la douceur, entrer en arrangement, le rappeler auprès de vous.

— Eh bien ! oui, dit le marquis, qu’il revienne demeurer avec moi ; qu’il abandonne sa Geneviève, et je lui pardonne tout.

— Généreux père ! je vous reconnais bien là ; mais qu’il abandonne sa Geneviève ! Abandonner sa femme ! c’est chose impossible : il serait capable de m’étrangler si j’allais le lui proposer.