Page:Sand - Antonia.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voisine, son courage l’abandonna. Comme tous les gens livrés à des pensées sans échange et sans contrôle, nul n’était plus audacieux que lui en projets : c’est cette audace qui l’avait enrichi, et il s’y fiait ; mais, comme jamais il n’avait agi que derrière la toile, il était aussi incapable de faire quelques pas en personne sur la scène du monde et de parler à une femme qu’il l’eût été de commander un navire et de traiter avec les Algonquins. Il pâlit, balbutia, remit sur sa tête le chapeau qu’il avait ôté, et tomba dans un si grand trouble, que madame d’Estrelle, inquiète et surprise, fut forcée de venir à son aide en lui parlant la première de ce qui, selon elle, faisait l’objet de sa visite.

— Nous voilà donc en délicatesse, mon voisin, lui dit-elle avec bonté, à propos de ce malheureux pavillon, qui devait, c’était mon espoir, nous établir sur un pied de bon voisinage et de bonne intelligence ? Savez-vous que j’ai envie de vous gronder, et que je ne vous trouve pas raisonnable ?

— Je suis fou, c’est connu, répondit Antoine d’un ton bourru. À force de me le dire, on finira par me le faire croire !

— Je ne demande qu’à être détrompée, reprit Julie ; mais donnez-moi quelque bon motif pour me faire accepter l’espèce de cadeau que vous m’offrez : je vous en défie !

— Vous m’en défiez ? Alors vous voulez que je parle ? C’est assez clair… Je m’intéresse à vous !