Page:Sand - Antonia.djvu/120

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bénédiction de plus ou de moins autour de vous ne peut pas vous étonner, pourvu qu’elle soit humble et à jamais prosternée.

Julie sentit que le feu prenait à l’atmosphère qu’elle respirait. Elle essaya machinalement de se ravoir, mais sans trouver en elle le courage de se soustraire à ce dangereux entretien.

— Êtes-vous content aussi, lui-dit elle, de recouvrer cette maison où vous avez été élevé ?

— Content pour ma pauvre mère, oh ! oui, mais pour moi… non !

— Vous aimez Paris ?

— Non, pas du tout ; mais…

Les yeux embrasés et noyés de Julien disaient assez ce qu’il pensait. Julie ne l’entendit que trop. Elle voulut parler d’autre chose ; elle regarda les toiles de l’artiste, elle loua son talent, qui se révélait à elle en même temps que son amour, et elle crut lui dire qu’elle comprenait son art ; mais en fait c’était sa passion qu’elle comprenait, et chacune de leurs paroles trahissait la vraie préoccupation de leurs âmes. Il se fit rapidement de part et d’autre un si grand trouble, qu’ils ne savaient plus de quoi ils parlaient, et que madame d’Estrelle s’en prit au lis de M. Antoine pour avoir l’air de parler de quelque chose.

— Ah ! que voilà une belle fleur, dit-elle, et comme elle sent bon !

— Elle vous plaît ? s’écria Julien.

Et, avec l’impétuosité d’un amant ivre de joie, il