Page:Sand - Antonia.djvu/163

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ce noble début de l’idée nouvelle avait trouvé sa formule dans le mot de perfectibilité. C’est Condorcet qui en ébauche magnifiquement la doctrine, et qui, sans tenir compte de la faiblesse humaine, pressent pour elle des destinées sans limites. Il croit à l’infini au point d’espérer le secret de la destruction de la mort, et tout ce qui pense, tout ce qui lit commence à croire avec lui à la prolongation indéfinie de la vie physique. Parmentier croit d’ailleurs conjurer à jamais le spectre de la famine en acclimatant la pomme de terre. Mesmer croit avoir découvert un agent mystérieux, source de tous les prodiges. Saint-Martin annonce la réhabilitation de l’âme humaine et fait pénétrer le dogme de l’infinie lumière dans les terreurs des anciens dogmes. Cagliostro prétend ressusciter la magie d’une manière naturelle et compréhensible ; en un mot, le vertige de l’avenir enivre toutes les têtes, depuis les plus positives jusqu’aux plus romanesques, et, au milieu de cette surexcitation, le présent apparaît comme un obstacle dont personne ne daigne se soucier. La vieille monarchie, le clergé inflexible, sont encore là debout, s’efforçant de ressaisir le pouvoir qui s’écroule ; mais la liberté vient d’être inaugurée en Amérique, et la France sent que son jour est proche. Elle ne prévoit pas de sang à répandre, les douces chimères excluent les idées de vengeance ; à la veille de l’effroyable orage, les âmes sont en fête, et je ne sais quelle fièvre d’idéal prépare les magnifiques élans de 89.