Page:Sand - Antonia.djvu/181

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elle attendit avec une vive impatience ce petit cadeau.

— Il me l’enverra mystérieusement, pensait-elle ; ce sera une offrande anonyme, et alors… Le présent n’arriva pas ; ce n’était donc pas pour elle. Quelle folie d’avoir cru qu’il le lui destinait ! Julien était amoureux de quelque autre femme,… une petite bourgeoise ou une femme galante du monde,… une actrice peut-être ! Elle n’en dormit pas pendant deux nuits, et puis tout d’un coup elle vit l’éventail dans les mains de madame Thierry, et elle respira.

Malgré elle, il lui fallut parler de Julien à sa mère, et il n’est sorte de détours qu’elle ne mît en œuvre pour amener la conversation sur son compte. Elle voulait savoir quelle était la vie d’un jeune peintre, elle ne s’en faisait aucune idée, et, tout en craignant d’apprendre des détails répugnants ou pénibles, elle allait questionnant toujours, d’abord sur les goûts et les habitudes des artistes en général, et puis tout à coup il lui échappait de dire :

— Monsieur votre fils, par exemple, avant la perte de son père, avant vos chagrins, n’avait-il pas une existence brillante, dissipée, agréable au moins ?

— Mon fils a toujours eu l’esprit sérieux, répondait madame André, et je dois dire que les jeunes gens de toutes les classes me paraissent aujourd’hui très-différents de ceux que j’ai pu observer dans ma jeunesse. Mon cher mari était un type de ce genre d’imagination fertile, ingénieuse et facile qui remplis-