Page:Sand - Antonia.djvu/199

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temps, la comtesse d’Estrelle comprit qu’on avait parfaitement pénétré jusqu’à la marquise, et que celle-ci refusait de la recevoir. Son devoir était rempli, elle n’insista plus. Elle jugea que sa voiture, marchant beaucoup plus vite que n’avait marché le fiacre, devait être arrivée : elle revint donc sur ses pas, traversa la première cour et franchit la porte de la rue, qui était gardée par la femme du suisse et qui sur-le-champ, avec une précipitation grossière, se referma derrière elle. Une voiture était là effectivement ; mais, malgré sa vue basse. Julie reconnut sur-le-champ que ce n’était qu’un fiacre.

Pensant que c’était celui qui l’avait amenée et qui avait mal compris ses ordres, ou que Marcel lui avait renvoyé par précaution, elle appela le cocher, profondément endormi sur son siége. Imposable de le réveiller sans le tirer par le pan de sa souquenille. Ceux qui se souviennent de ce qu’étaient les cochers de fiacre il y a quarante ans peuvent juger de ce qu’ils étaient quarante ans plus tôt. Celui-ci était si malpropre, que Julie hésita à le toucher de sa main gantée. Elle retenait avec soin ses amples jupes de soie pour ne pas effleurer les roues crottées ; jamais elle ne s’était trouvée dans un pareil embarras. Puis elle avait peur de se voir seule en pleine rue vers minuit, et les rares passants s’arrêtaient pour la regarder. Elle tremblait que, par obligeance on malice, ils ne voulussent se mêler de ses affaires.

Le cocher s’éveilla enfin, et lui répondit qu’il ne la