Page:Sand - Antonia.djvu/20

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allége pour un moment vos ennuis et retarde la vente de votre hôtel en vous permettant de donner un à-compte aux créanciers.

— Un à-compte ! Voilà tout ? s’écria la baronne d’Ancourt indignée. Voilà tout ce que la famille d’Estrelle peut faire pour la veuve d’un prodigue ? Mais c’est une infamie, monsieur le procureur !

— C’est tout au moins une petitesse, répondit Marcel Thierry ; j’ai perdu mes frais d’éloquence, et les choses en sont là. Madame la comtesse, n’ayant pas de fortune qui lui soit propre, est forcée, pour conserver un douaire assez médiocre, de subir les conditions d’une famille sans égards et sans générosité.

— Dites sans cœur et sans honneur ! reprit la baronne en déclamant.

— Ne dites rien du tout, reprit enfin la comtesse, qui avait tout écouté avec résignation. Cette famille est ce qu’elle est ; il ne m’appartient pas de la juger, moi qui porte son nom. Je suis à tous autres égards une étrangère pour elle, et j’aurais ici mauvaise grâce à me plaindre, car il n’y a que moi de coupable.

— Coupable ! dit la baronne en reculant de surprise avec son fauteuil à roulettes.

— Coupable ! répéta le procureur avec un sourire d’incrédulité.

— Oui reprit madame d’Estrelle. J’ai fait une grande faute dans ma vie. J’ai consenti à ce mariage, contre lequel mon cœur et mon instinct se révoltaient. J’ai été lâche ! J’étais une enfant, on me don-