Page:Sand - Antonia.djvu/252

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fit ! J’ai été en colère, oui ! j’ai parlé de vous avec colère, avec vengeance, je ne m’en cache point,… et pourtant je ne vous hais point, et il ne tiendrait qu’à vous de m’avoir pour ami.

— Confessez-vous avant d’implorer l’absolution, dit Marcel ; que s’est-il passé ? qu’avez-vous fait ? Dites !

— Il s’est passé,… voilà ce qui s’est passé. Mordi ! le hasard m’a aidé à soulager ma bile. Madame la douairière d’Estrelle m’a fait demander un service. Deux ou trois jours avant la mort de son mari, on m’a prié de passer chez elle. Je la connaissais de longue date pour des terrains qu’elle m’avait vendus pas trop cher. Elle n’était pas si forte en affaires dans ce temps-là qu’elle l’est à cette heure. Elle m’a dit : « Mon mari n’en a pas pour longtemps, j’hérite de lui ; mais je ne paye point les dettes de son fils, à moins que la comtesse ne m’abandonne son douaire, et, pour l’y forcer, je veux acheter les créances. Prêtez-moi l’argent, et vous aurez part aux dépouilles. Je vous revaudrai votre complaisance. — Pardon, madame, que je lui ai dit, je veux faire sentir à cette dame que je la tiens ; mais je veux être le maître de lui pardonner, si ça me convient. » Là-dessus : « Ah ! tiens ! qu’est-ce que vous avez donc contre elle ? » Et, là-dessus, moi : « J’ai ce que j’ai ! — Si fait ! — Non. — Dites ! etc. » Bref, de fil en aiguille et de parole en parole, je me suis déboutonné, j’ai dit que j’avais voulu être ami et qu’on m’avait traité comme un corsaire, et tout ça, parce qu’on s’était laissé tomber