Page:Sand - Antonia.djvu/287

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position matérielle était devenue excellente. La rente de cinq mille livres permettait de vivre modestement sans attendre avec effroi, à la fin de chaque semaine, le produit d’un travail fiévreux. Madame Thierry ne pouvait se défendre de retrouver avec une joie extrême sa maison, ses plus chers souvenirs, ses habitudes et ses anciennes relations. Elles étaient moins nombreuses qu’au temps où elle tenait table ouverte, mais elles étaient plus sûres. Les seuls vrais amis avaient reparu ; sachant qu’elle n’avait plus que le nécessaire, ils s’occupaient de faire vendre avantageusement les tableaux de Julien. C’est quand on n’est plus dans la détresse qu’on peut tirer parti de son talent. Julien n’avait donc plus besoin de se presser, la clientèle arrivait d’elle-même par l’intermédiaire d’un entourage éclairé et bienveillant. Il consolait sa mère du secret déplaisir qu’elle éprouvait encore d’être l’obligée de M. Antoine, en lui disant :

— Sois tranquille, je t’acquitterai envers lui et malgré lui, s’il le faut ; c’est une question de temps. Sois heureuse ; tu vois que je ne m’inquiète pas du silence de Julie, et que j’attends avec confiance et fermeté.

Julien n’avait changé ni d’attitude, ni de manières, ni de visage depuis le jour fatal où Julie avait disparu. Il avait cru d’abord à la parole de Marcel ; mais, ne voyant arriver aucune lettre de sa maîtresse, et sachant fort bien, grâce à des informations prises en secret, qu’elle n’était point en Beauvoisis, il avait peu