Page:Sand - Antonia.djvu/296

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— Je ne dis pas cela, je dis qu’elle a pu se tromper sur la force de son attachement pour toi et su ? la réalité de son dégoût du monde.

— De sorte que, si l’on venait te dire : « Vous avez deviné juste, » tu ne serais pas surprise ?

— Pas trop !

— Et pas trop affligée non plus ?

— Si tu dois la regretter beaucoup, mon affliction est aussi grande que tes regrets, mon pauvre enfant. Si, au contraire, tu en prends bravement ton parti, je dirai que c’est mieux ainsi, et que tu peux retrouver l’amour d’une femme plus prudente et plus forte.

— Pauvre Julie ! se dit Julien intérieurement, son amour pour moi était donc, même aux yeux de ma mère, une erreur et une faiblesse ! — Allons, dit-il tout haut, rassure-toi. Elle renonce au rêve que nous avions fait ensemble ; elle n’y croit plus, elle craint que je ne le lui rappelle. Tout ce que tu prévoyais se réalise, Marcel vient de me le dire. Je lui ai donné ma parole que je ne la reverrai jamais,

— Ah ! mon Dieu ! dit madame Thierry effrayée, comme tu me dis cela tranquillement ! Est-ce vrai que tu es tranquille à ce point-là ?

— Tu le vois bien. J’ai été bouleversé les premiers jours, je ne te l’ai pas beaucoup caché ; mais, à mesure que le temps a marché, j’ai compris parfaitement le silence de madame d’Estrelle. La tranquillité que je t’apporte est le fruit de deux mois de réflexion. Ne t’en étonne donc pas, et crois-moi assez lier et assez