Page:Sand - Antonia.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

riage, et il tint parole ; mais il lui vint une autre manie. Il se fit frondeur politique de tous les événements, quels qu’ils fussent, de la Révolution. Tout le monde était fou, maladroit, stupide. Le roi était trop faible, le peuple trop doux, la guillotine tour à tour trop paresseuse et trop affamée. Et puis, comme cette succession de tragédies troublait sa tête plus folle que méchante, il changeait d’avis et passait en paroles d’un sans-culottisme effréné à un muscadinisme ridicule. Tout cela était fort inoffensif, car il ne briguait aucun pouvoir et se contentait de déblatérer dans ses rares échappées à travers la société ; mais il fut dénoncé par des ouvriers qu’il avait maltraités, et il faillit payer de sa tête son dévergondage d’obscure éloquence.

Julien et Marcel, à force d’insistance, réussirent à lui faire quitter l’hôtel de Melcy, où chaque jour il provoquait l’orage. Ils le tinrent caché à Sèvres, où il les fit beaucoup souffrir par sa méchante humeur et les compromit plus d’une fois par ses imprudences. Ses biens étaient sous le séquestre, et il n’en recouvra que des lambeaux. Il supporta ce coup terrible avec beaucoup de philosophie. Il était de ces pilotes qui maugréent dans la tempête, mais qui tiennent bon dans le sauvetage. Il ne voulut rien reprendre de ce que Julien tenait de lui et lui offrait avec instances. Comme on n’avait pas touché à son jardin et qu’il le recouvrait à peu près intact, il y reprit ses habitudes et sa bonne humeur relative. Il y vécut jusqu’en 1802,