Page:Sand - Antonia.djvu/75

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où, pour tout remercîment, elle me promet de ne jamais dire ma trahison à M. André. J’avoue que je ne lui ai jamais pardonné ça, et que jamais je ne lui pardonnerai. Quant à monsieur mon frère, il a eu là-dessus une conduite qui m’a choqué tout autant que celle de madame. Je n’ai pas voulu attendre que sa bégueule de femme m’eût vendu. Le voyant sauvé de ses peines et marié, je lui ai tout dit, comme je viens de te le dire. Il ne s’est pas fâché, lui : il m’a remercié au contraire de mes bonnes intentions, mais il s’est mis à rire. Tu sais comme il était frivole, une pauvre tête ! eh bien, il a trouvé mon idée comique, et il s’est moqué de moi. Alors tout a été rompu entre nous, et je n’ai jamais voulu revoir ni la femme ni le mari.

— Enfin ! dit Marcel, nous y voilà donc ! Mais Julien ! Pourquoi en voulez-vous à Julien, qui n’était pas né dans le temps de vos griefs ?

— Je n’en veux pas à Julien ; mais il est le fils de sa mère, et je suis sûr qu’il me hait.

— Sur l’honneur, Julien ne sait rien de ce que vous venez de me dire, et il ne vous connaît que par votre conduite dans ces derniers temps. Pensez-vous qu’il puisse l’approuver ? Ne deviez-vous pas racheter la maison de sa mère, quand il vous jurait sur ce qu’il y a de plus sacré qu’il consacrerait sa vie à s’acquitter envers vous ?

— Belle garantie que la vie d’un peintre ! Où ça a-t-il mené son père, qui était fameux !