Page:Sand - Cadio.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Toute petite, tu écorchais les bêtes vivantes, et depuis tu es devenue pire. Je t’ai vue au camp du roi ! tu étais plus méchante que les plus méchants !

LA KORIGANE. Eh ! tu n’as rien vu. Depuis que tu nous as quittés, et depuis que le marquis est fou de la Sauvières, j’ai dit : « C’est comme ça ? il faut que je me venge sur ces chiens de patriotes ! » J’ai pris des habits de garçon, j’ai mis des cartouches sous ma blouse, et c’est moi qui recharge lestement les fusils quand nos gens tirent de derrière les buissons. Et, quand le vieux Sauvières et les doux chefs veulent épargner les prisonniers, c’est moi qui crie à nos hommes : « Tuez tout ! » Et, quand on massacre, c’est moi qui chante ! Et, quand on en a oublié, c’est moi qui les montre et qui dis comme ça : « Allez ! allez ! saignez encore, le compte n’y est pas ! »

CADIO. Tu me fais peur… et tu me dégoûtes ! Adieu ! passe ton chemin !

LA KORIGANE. Voyons, Cadio, tu vas au pays ? Je suis capable de m’en aller avec toi.

CADIO. Alors, je n’y vais plus. Merci pour ta compagnie !

LA KORIGANE. Tu me méprises ? tu me détestes ?

CADIO. Non, je te plains.

LA KORIGANE. Si tu me plains, aime-moi, et je serai douce. Voyons, Cadio, je pourrais peut-être t’aimer encore. Tu n’es ni beau ni brave ;… mais ta musique, — et puis l’habitude que j’avais de te suivre… Tu étais bon pour moi, tu me grondais…

CADIO. Ça ne te changeait pas.

LA KORIGANE. C’est ta faute, il fallait m’aimer. Quand j’ai senti parler mon cœur, si tu avais eu l’esprit