Page:Sand - Cadio.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de le comprendre, je ne serais pas où j’en suis.

CADIO. Où en es-tu donc ?

LA KORIGANE. J’aime à présent quelqu’un qui ne me regarderait pas, si j’étais peureuse et pitoyable. C’est quelqu’un qui n’aime que le courage, et c’est pour lui que j’en ai. Il est méchant, lui, et je suis méchante. Il veut qu’on fasse le mal, et je le fais. S’il me commandait le bien, je ferais le bien. Quand il me dit une parole, si j’avais trois âmes, je les lui donnerais.

CADIO. C’est Saint-Gueltas, pas vrai ? Eh bien, pourquoi est-ce que tu le quittes ?

LA KORIGANE. Je le quitterais bien par dépit ! mais je suis avec lui encore.

CADIO, effrayé et près de fuir. Il est donc par ici ?

LA KORIGANE. À deux pas ; il donne un moment de repos à sa troupe. Ça ne sera pas long, on veut attaquer avant le jour la ville qui est là-bas, derrière la colline. Oh ! on va se cogner, c’est notre dernier enjeu. Où vas-tu ?

CADIO. Je vais plus loin. Je ne sais point cogner.

LA KORIGANE, le retenant. Tu ne veux pas m’emmener, et tu te sauves ? Eh bien, tu resteras, ça me venge… et ça m’amuse. Tu resteras, je te dis !

CADIO. Mais non !

LA KORIGANE, prenant un de ses pistolets. Mais si ! Ne bouge pas, ou je te brûle la cervelle ! (Cadio se débat et s’échappe.)