Page:Sand - Cadio.djvu/166

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trop mal. Voilà un beau temps aujourd’hui, pas vrai, monsieur Rebec ?

REBEC. Appelez-moi donc « citoyen Lycurgue », ça ne fait pas bon effet devant les passants, de dire monsieur, c’est passé de mode, et puis j’aime autant qu’on oublie mon vrai nom, dans votre pays du bon Dieu.

CORNY. Dame ! je ne peux pas le retenir, votre sobriquet révolutionnaire. C’est des saints qu’on ne connaît point, nous autres ! et tant qu’à votre nom de famille, on ne s’en inquiète point chez nous. On n’est point pour trahir, si vous avez des secrets à cacher.

REBEC. Des secrets, des secrets ! Mon Dieu, je suis comme les gens d’ici. Je plains les malheureux, et, puisque c’est un crime d’État pour le moment…

CORNY. Enfin vous êtes un ancien suspect, je le sais bien : ça vous fait plus d’honneur que de tort en pays breton.

REBEC. Oh ! ça ! vous êtes tous des braves gens, et je peux dire que j’ai eu une fameuse idée de m’arrêter ici, au lieu d’aller à Nantes, où j’avais eu l’idée de m’établir.

CORNY. À Nantes ! il paraît qu’il n’y fait pas bon pour ceux qu’on soupçonne, car vous étiez soupçonné dans votre pays de Vendée…

REBEC. Je peux vous dire pourquoi, vous êtes un homme discret. J’avais été jeté en prison à Puy-la-Guerche pour avoir sauvé des flammes certains châteaux incendiés par les bleus ; je crois bien que j’en ai sauvé une douzaine. Alors, les jacobins de l’endroit m’ont accusé d’avoir spéculé sur le séquestre : des calomnies ! J’ai réussi à m’évader avec l’aide de quelques amis vertueux, que j’avais parmi les sans-culottes,