Page:Sand - Cadio.djvu/217

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si l’on s’obstine à nous suivre ; mais j’espère qu’on nous a perdus de vue. (Ils ont gagné le milieu de l’îlot.) Tenez, voici une hutte de roseaux où j’ai déjà échappé une fois aux recherches. Vous pouvez vous étendre sur le sable sec et vous reposer, bien roulée dans mon manteau. Entrez, il fait froid.

LOUISE. Non, je ne sens pas le froid. Je suis aguerrie. J’ai passé plus d’une nuit d’hiver dans les genêts pour déjouer les perquisitions. Je resterai ici, assise. Personne ne peut me voir.

SAINT-GUELTAS. Louise, vous vous méfiez de moi avec une obstination…

LOUISE. Non ! Dans la position où je suis, inquiète et désolée, puis-je penser que vous ne respecteriez pas mon malheur et mon isolement ?… Mais verrez-vous d’ici passer cette barque qui nous suit ?

SAINT-GUELTAS. Elle ne peut approcher sans que je l’entende ; j’ai l’oreille exercée, et, d’ailleurs, la nuit est si calme et si belle ! Cet endroit est charmant, et le murmure de ce grand fleuve semé d’étoiles est si doux ! Ah ! sans l’inquiétude qui vous oppresse, vous sentiriez votre âme se dilater ici, n’est-ce pas ?

LOUISE. Je ne sens rien, je ne vois rien. Je ne pense qu’à celui qui m’attend. Parlez-moi de lui, de lui seul. Il est donc bien mal ?

SAINT-GUELTAS. J’ai exagéré. Pardonnez-le-moi, chère enfant. Je devais vous arracher à ce refuge périlleux, à ces protecteurs imbéciles…

LOUISE. Ah ! cruel, vous jouez avec ma douleur ! Est-ce vrai maintenant, ce que vous dites ? Mon père…

SAINT-GUELTAS. Il vivra, rassurez-vous ; mais dites-moi, Louise, ce mariage absurde contracté ce soir…

LOUISE. Il vous tourmente plus que de raison. Il