Page:Sand - Cadio.djvu/230

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LA KORIGANE, se levant. Ah bah ! Il y a longtemps que je suis morte ! Vous ne le saviez donc pas ? C’est ma pauvre âme que vous voyez, une âme maudite qui ne peut pas vous quitter, puisque vous êtes son enfer.

SAINT-GUELTAS. Trêve de poésie ! tu n’en es pas chiche, toi, la Bretonne endiablée ! Voyons, trois mots avant de nous remettre en route. Il n’y a pas de temps à perdre ici. Tu es décidée à contrarier mes amours ?

LA KORIGANE. Oui.

SAINT-GUELTAS. C’est imbécile, ce que tu veux faire là. On peut me contrarier une fois ; mais deux fois, c’est trop, tu sais ?

LA KORIGANE. Oui, vous ôtez ce qui vous gêne.

SAINT-GUELTAS. L’épine qui s’attache à mes jambes, je la brise.

LA KORIGANE. C’est vous qui êtes simple de croire que vous pourrez me faire peur !

SAINT-GUELTAS. Nous allons voir ! (Il la prend d’une seule main et la tient au-dessus de l’eau.)

LA KORIGANE, d’une voix douce et comme épurée tout à coup. Bien, mon doux maître ! Mourir de ta main : voilà ce que je voulais !

SAINT-GUELTAS, à part. Le chant du Cygne ! (La reposant à terre.) Tu penses que je ne tuerai pas celle qui m’a sauvé la vie ? Ton courage n’est que du raisonnement. Ce n’est pas grand’chose, va, et tu ne m’aimes guère !

LA KORIGANE. Qu’est-ce qu’il faut donc pour que tu me croies ?

SAINT-GUELTAS. Il faut que tu aimes celle que j’aime, que tu la serves comme je la sers, que tu te dévoues pour elle comme pour moi, et que, de crainte de l’affliger, tu ne lui laisses jamais soupçonner l’amitié