Page:Sand - Cadio.djvu/231

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que je te porte. Le jour où je verrai une larme dans ses yeux par ta faute, tu ne seras plus rien pour moi.

LA KORIGANE. Ah !… Et qu’est-ce que je serai donc pour toi, si j’obéis fidèlement ?

SAINT-GUELTAS. Tu seras ce que tu es : l’être que j’admire le plus sur la terre.

LA KORIGANE. Tu m’admires, moi si laide ?

SAINT-GUELTAS. Eh bien, suis-je beau, moi, pour te reprocher ta laideur ?… La beauté est là, vois-tu, dans la tête, et là, dans le cœur. C’est la volonté qui nous porte et le feu qui nous brûle. Je ne t’aime pas d’amour, tu le sais bien. T’ai-je trompée, toi ? Jamais. Seule au monde, tu es de force à supporter la vérité, et je te l’ai dite ; mais je sais ce que tu vaux, et je ne suis pas homme à n’y pas prendre garde. Je me connais en courage, et je te sais grande, ma pauvre souris noire, plus grande que les déesses qui me charment… et qui me marchandent leur amour ! Je n’ai rien fait, rien dit pour avoir le tien ; il ne m’a coûté ni effort d’imagination, ni mensonge, ni subtilités de langage, ni frais d’éloquence ! Tu me l’as donné, comme si c’était une dette à me payer. Toi seule m’as compris ! Vois si tu veux garder ta supériorité, ton prestige, et rester près de moi comme un chien que je maltraite en public, et comme un esprit familier devant lequel mon âme surprise et troublée se prosterne en secret.

LA KORIGANE. Ah ! tu dis des paroles magiques pour m’ensorceler !

SAINT-GUELTAS. Les as-tu comprises ?

LA KORIGANE. Oui, j’obéirai. Tu veux que Louise soit ta femme ?