Page:Sand - Cadio.djvu/255

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UNE PETITE FILLE. C’est drôle !… Dites donc, mamselle Marie, à quoi ça sert de savoir lire ? Maman dit que ça ne sert à rien.

UN PETIT GARÇON. Mais papa dit que ça sert à être bon citoyen. C’est les chouans, qui ne savent pas lire !

LA PETITE FILLE. Maman n’est pas chouan, et elle ne sait pas non plus.

MARIE. Ta maman est très-bonne, et, comme c’est ta maman, elle n’a pas besoin de savoir lire : elle n’a pas le temps, d’ailleurs ; mais toi, qui n’es la maman de personne, il faut apprendre à écrire les comptes de ton papa.

LE PETIT GARÇON. Et moi, citoyenne Marie, est-ce que tu m’apprendras aussi à écrire ?

MARIE. Certainement.

LE PETIT GARÇON. Pour quand je serai soldat, pas vrai ? Papa dit qu’à présent, c’est nous les officiers, les avocats, les gros messieurs, les généraux, et tout !

MARIE. Oui, pourvu qu’on soit bien savant.

LE PETIT GARÇON. Et patriote ?

MARIE. Et patriote.

LE PETIT GARÇON. On serait patriote et pas savant ?…

MARIE. On serait encore un bon laboureur, un bon ouvrier ou un bon soldat, mais ni avocat ni général.

LA PETITE FILLE. Vous qu’êtes savante, vous êtes donc général aussi ?

MARIE. Je suis ta maîtresse d’école pour le moment, c’est-à-dire ton amie qui tâche de t’apprendre ce qu’elle sait, et ta couturière qui fait tes robes et celles de tes sœurs.

LA PETITE FILLE. Combien qu’on vous paye pour tout ça ?