Page:Sand - Cadio.djvu/297

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soulevée pour recevoir, accueillir et défendre au besoin les princes, tu me trompais ?

SAINT-GUELTAS. Je me faisais illusion ; mais je sais où trouver de nombreux chefs de chouans dont les bandes éparses ne demandent qu’un nom prestigieux pour se réunir à moi. Ici, je n’ai qu’un mot à dire, et je suis encore le chef le plus populaire et le plus redoutable de l’insurrection.

RABOISSON. Rien n’est perdu, alors. Rassemble cette armée, et sois sûr que, quand elle paraîtra, les mandataires des princes feront bon marché du blâme qui pèse sur ta vie domestique.

SAINT-GUELTAS. Les mandataires des princes sont des intrigants ou des imbéciles ! Pourquoi les princes ne viennent-ils pas eux-mêmes assister à la lutte qui va décider de leur sort, et se faire juges des coups ? Faut-il donner son sang et sa fortune à des ingrats ou à des poltrons ? Je suis las de ce métier de dupe ! On s’est mal conduit envers moi. Des subsides insuffisants, des éloges contraints, des remercîments froids, tandis qu’on a comblé Charette de louanges, d’argent et de promesses ! J’ai pourtant agi plus que lui, j’ai plus souffert, j’ai suivi la Vendée jusqu’à son dernier soupir. J’ai fait plus de sacrifices… Les princes sont pauvres… soit ! Je veux bien manger jusqu’à mon dernier écu et ne pas compter avec le futur roi de France ; mais, en fait d’orgueil, je ne me pique pas de désintéressement chevaleresque. Je veux un éclat proportionné à la grandeur de mes actions, je veux un titre au moins égal à celui de Charette, je veux un pouvoir qui contre-balance le sien. À l’œuvre on verra qui de nous deux est le plus habile, le plus brave et le plus influent. Quant aux vices et aux crimes dont on m’accuse,