Page:Sand - Cadio.djvu/307

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LE BRETON. Voyez-vous ces damnés Anglais qui régalent comme ça leurs officiers, tandis que, vous autres, vous buvez de la piquette de pommes ! C’est comme ça, hein ?

HENRI. Si nous parlions d’affaires plus sérieuses, maître Tremeur ? Vous me paraissez un bon vivant, et votre lettre que j’ai reçue à Auray m’a donné confiance ; mais le temps est précieux…

LE BRETON. Patience, patience ! Commençons par le commencement. — Vous connaissez bien Saint-Gueltas ?

HENRI. Personnellement, non.

LE BRETON. Vous vous êtes pourtant serrés de près dans la campagne d’outre-Loire ?

HENRI. Je le pense, mais rien ne le distinguait de ses soldats, et, si j’ai vu sa figure, elle ne m’a rien appris.

LE BRETON. Tant pis, tant pis !

HENRI. Pourquoi ?

LE BRETON. Parce que je comptais vous le livrer ; mais comment saurez-vous que je ne vous vole pas votre argent, si vous ne pouvez pas vous dire comme ça en le voyant : « C’est pas un méchant renard qu’on m’amène ; c’est ben le vrai sanglier des bois qu’on me donne à écorcher ? »

HENRI. Vous voulez me le livrer ? C’est là le but de l’entrevue que vous m’avez demandée ?

LE BRETON. C’est ça et pas autre chose : ça vous va, je pense ?

HENRI. Eh bien, non, vous vous êtes trompé, mon cher ; ça ne me va pas du tout. (Il se lève de table.) LE BRETON, tirant de sa ceinture un pistolet qu’il pose sur la