Page:Sand - Cadio.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CADIO. L’ennemi n’a rien résolu encore. Il est divisé. Il discute et jalouse. Il perd son temps et sa poudre en escarmouches. Ils n’ont pas les reins assez forts pour engager une vraie lutte, va ! Que le général arrive vite, qu’il les surprenne, c’est le moment.

HENRI. Il le sait, et il est en marche.

CADIO. Il devrait être arrivé ! Nos petits détachements, suffisants contre la chouannerie de détail à travers bois, ne pourraient tenir en pays ouvert contre un mouvement auquel se joindrait la population des côtes.

HENRI. J’ai ordre de vous faire replier, si on vous attaque.

CADIO. Dans ces affaires-là, on ne nous attaque pas ; on nous cerne, et la retraite est impossible. N’importe après tout ! Cela est arrivé tant de fois, qu’une de plus ou de moins ne changera rien au destin de la guerre. Si nous devons périr ici pour faire gagner quelques heures à la marche des patriotes, soit ! On fera son devoir, voilà tout. (Allant à la fenêtre.) Le soleil se lève, il est beau ! Tiens, regarde ! C’est le pays où j’ai passé mon enfance ; je ne le revois pas sans émotion ! Il n’est pas gai, mais je l’aime triste ! Vois-tu là-bas les grandes pierres ? C’est mon berceau. C’est là que j’ai été trouvé, enfant abandonné. Il y a au-dessus une grosse étoile blanche qui scintille encore. Comme le ciel est indifférent à nos petites questions de vie et de mort ! Et la terre ? Dirait-on, à voir cette mer paisible, cette plage encore muette et comme plongée dans les délices du sommeil, que des masses d’hommes se cherchent dans l’ombre des collines, épiant l’heure de s’égorger ? Rien ne bouge… aucun bruit n’annonce les combats !