Page:Sand - Cadio.djvu/326

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HENRI. C’est au feu en effet que je t’ai vue… intrépide… et atroce !… Que me veux-tu, méchante créature ?

LA KORIGANE. Je veux te parler.

HENRI. Tu viens de la part de ton maître ?

LA KORIGANE. Non. Je viens sans qu’il le sache, au risque de le fâcher beaucoup !

HENRI. Ah ! tu l’abandonnes ou tu fais semblant de l’abandonner ?

LA KORIGANE. Je le quitte et je le hais !… Mais réponds-moi vite : aimes-tu encore ta cousine Louise ?

HENRI. Une question en vaut une autre. Qu’est-ce que cela te fait ?

LA KORIGANE. Tu te méfies de moi : c’est malheureux pour elle !

HENRI. Court-elle quelque danger ?

LA KORIGANE. Toi seul peux la sauver du plus grand qu’elle puisse courir. Elle s’est enfuie de chez son mari avec sa tante ; elle voulait aller à Vannes rejoindre mademoiselle Hoche, qui l’attend. Elle a profité de l’absence du maître, qui avait dit comme ça : « Avant d’aller à Quiberon, j’irai aux Sables-d’Olonne rassembler des amis. » Nous avons pris une barque et nous sommes venues à Locmariaker, à l’entrée du Morbihan ; mais à peine entrions-nous dans la ville, nous avons appris que le marquis était là avec une bande de chouans. Nous nous sommes vite rembarquées sur un méchant bachot, le seul qui ait voulu nous conduire du côté des Anglais, et qui nous a posées par ici, sur la grève. Je connais le pays, j’en suis ! J’ai amené Louise dans ce bourg ; je l’ai cachée dans la maison d’une femme que j’ai autrefois servie, mais je ne suis pas tranquille. Saint-Gueltas doit être sur