Page:Sand - Cadio.djvu/342

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son premier mariage ne m’engageait à rien, moi, ou si, grâce à son amant, elle était réellement veuve. Elle n’était pas à même de s’informer peut-être ? Eh bien, il fallait, dans le doute, agir en femme forte, en femme de cœur, savoir attendre le moment où elle pourrait invoquer l’annulation de notre mariage ; j’y eusse consenti, et, si la chose eût été impossible, il fallait subir les conséquences et conserver le mérite d’un acte de dévouement. Il fallait faire vœu de chasteté comme moi… Oui, comme moi ; riez encore, marquis Saint-Gueltas, vous qui avez fait vœu de libertinage, et qui, en réclamant cette femme au nom d’une religion que vous méprisez, la condamnez à subir l’outrage de vos infidélités ! La malheureuse vous fuyait, je le sais, je sais tout ! Elle veut à présent, retourner à sa chaîne, elle aime mieux cela que d’accepter ma protection ; mais, moi qui ne puis me dispenser sans lâcheté d’exercer cette protection, je ne veux pas qu’elle traîne plus longtemps ma honte et la sienne à vos pieds. — Voyez, monsieur de Sauvières, si vous consentez à y voir traîner le nom que vous portez. Quant à moi, je peux lui pardonner l’erreur où elle a vécu jusqu’à ce jour ; elle a pu croire nos liens illusoires : en apprenant qu’ils ne le sont pas, si elle ne quitte son amant à l’instant même, elle devient coupable de parti pris et autorise ma vengeance.

SAINT-GUELTAS, toujours ironique. Répondez, monsieur de Sauvières ! Ma parole d’honneur, le débat devient très-curieux, et vous voyez avec quelle attention je l’écoute.

HENRI. Est-ce sérieusement, monsieur, que vous me prenez pour arbitre ?