Page:Sand - Cadio.djvu/368

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tard ! Un ennemi, frêle comme une guêpe, mais comme elle obstiné et venimeux, me harcèle et me poursuit depuis quelque temps ! Je l’ai longtemps supporté et ménagé par pitié,… par superstition peut-être ! Oui, je me figurais que cette Korigane, au sobriquet bien trouvé, était mon porte-bonheur, une sorte de petite étoile rouge chargée de présider à ma sanglante destinée et d’entretenir de son souffle infernal le feu de ma volonté dans les situations extrêmes ; mais elle a été trop loin, je n’ai pu la suivre, je l’ai reniée et chassée. À présent, elle s’est tournée contre moi, et rien ne me réussit plus !

RABOISSON, haussant les épaules. Tu baisses, mon pauvre marquis ! Tu ne crois pas en Dieu, je t’en offre autant ; mais te voilà croyant au diable, c’est le commencement de la dévotion.

SAINT-GUELTAS. L’homme le mieux trempé a beau compter sur lui-même,… il a besoin d’invoquer quelque mystérieuse influence… Tiens ! l’autre nuit, j’ai eu, moi qui te parle, des visions effroyables ! Ces brutes de chouans, ne pouvant me décider à marcher contre Sauvières, ne voulant pas comprendre que sa loyauté engageait la mienne, effrayés de la menace que je leur faisais de me tourner contre eux, s’ils me laissaient libre, m’avaient jeté dans une cave. J’avais lutté comme un taureau pour me défendre de cet opprobre. Laissé là tout seul, sans armes, avec mes bras meurtris qui ne pouvaient me délivrer, je me suis évanoui brisé de fatigue, étouffé de rage ; c’est la première fois de ma vie que ma force physique m’a fait défaut, que ma persuasion a échoué, et que mon autorité a été méconnue. J’étais si accablé, que je n’ai rien entendu de ce qui se passait au-dessus