Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/149

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monde où l’on s’agite sous prétexte de vivre, on doit appeler heureuse toute situation tolérable, et qu’il n’y a de vrai malheur que celui qui écrase ou dépasse nos forces. Si je n’avais pas une maîtresse, je serais forcé de supprimer l’affection et de ne chercher que le plaisir. Les femmes qui ne peuvent donner que cela me répugnent. C’est une bonne chance pour moi d’avoir une compagne qui m’aime, qui m’est fidèle et que je puis aimer d’amitié quand, l’effervescence de la jeunesse assouvie, nous nous retrouverons en face l’un de l’autre. Cela mérite bien que je supporte quelques tracasseries, que je pardonne un peu d’ingratitude, que je surmonte quelques impatiences. Et, quand je regarde ce bel enfant qu’elle m’a donné, qui est bien à moi, qu’elle a nourri d’un lait pur et qu’elle berce sur son cœur des nuits entières, je me sens bien marié, bien rivé à la famille et bien content de mon sort.

Paul était libre ce jour-là. Je l’emmenai dîner avec moi chez un restaurateur, et nous causâmes intimement. J’étais libre moi-même. M. Dietrich avait été surveiller de grands travaux à sa terre de Mireval ; Césarine avait dû dîner chez ses cousines.

Nous approchions du printemps. Je rentrai à neuf heures et fus fort surprise de la trouver dînant seule dans son appartement.

— Je suis rentrée à huit heures seulement, me dit-elle. Je n’ai pas dîné chez les cousines, je ne me sentais pas en train de babiller. Je me suis attardée à la promenade, et j’ai fait dire à ma tante de ne pas m’attendre.