Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/154

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Je ne la crois pas mauvaise ni perverse, cette fille, et en la trouvant si commune et si expansive je ne me sentais plus aucune aversion contre elle. C’est une de ces compagnes de rencontre qu’un homme pauvre doit prendre par économie et aussi par sagesse. Quand il arrive un enfant, on s’y attache par bonté ; mais on ne les épouse pas, ces demoiselles, et un moment vient où on ne les garde pas.

— Tu parles de tout cela, ma chère, comme un aveugle des couleurs. Tu ne peux pas apprécier…

— Je te demande pardon, ton élève est émancipée, et tout ce que tu as fort bien fait de lui laisser ignorer quand elle était une fillette, — peu curieuse d’ailleurs, — elle a été condamnée à l’apprendre en voyant le monde, en observant ce qui s’y passe, en entendant ce que l’on dit, en devinant ce que l’on tait. Tu sais fort bien que je porte sur la liaison de M. Paul un jugement très-sensé, car cela s’appelle une liaison, pas autrement ; c’est un terme décent et poli pour ne pas dire une accointance. Tu trouves que le vrai mot est grossier dans ma bouche ? Je le trouve aussi ; mais tu m’as attrapée en appelant cela un mariage, et j’ai été forcée d’entrer dans l’examen des faits grossiers qu’on appelle la réalité. Jusque-là pourtant j’étais assez ingénue pour croire à un lien légitime ; mais Marguerite est bavarde et maladroite. Comme je lui témoignais de l’intérêt, elle s’est troublée, et, quand j’ai parlé de lui apporter de vieilles dentelles à remettre à neuf, elle m’a tout avoué avec une sincérité assez touchante.