Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/18

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yeux se remplissent de larmes et me donnent envie de pleurer avec vous, par conséquent de vous aimer trop et trop vite.

Elle me jeta ses bras autour du cou et pleura avec effusion. Je fus vaincue. Elle ne me disait rien, ne pouvant parler ; mais il y avait tant d’abandon et de confiance dans ses pleurs sur mon épaule, elle avait tellement l’air, malgré l’énergie de sa physionomie, d’un pauvre être brisé qui demande protection, que je me mis à l’adorer dès le premier jour sans me demander si elle n’allait pas s’emparer de moi au lieu de subir mon influence.

Cette crainte ne me vint qu’après un certain temps, car, durant les premières semaines, elle fut d’une douceur angélique et d’une amabilité vraiment irrésistible. Il est vrai que je n’exigeais pas beaucoup d’elle ; elle avait encore tant de chagrin que sa santé s’en ressentait, et d’ailleurs je la voyais douée d’une telle intelligence que je ne pouvais croire à la nécessité de hâter beaucoup ses études.

Nous vivions presque tête à tête dans ce petit palais, devenu trop grand. On avait reçu toutes les visites de condoléance, et, sauf quelques vieux amis, on ne recevait plus personne ; M. Dietrich le voulait ainsi. Profondément affecté de la perte de sa femme, il aspirait au printemps, pour se retirer durant toute la belle saison à la campagne, dans une solitude plus profonde encore. Il quittait les affaires, il les eût quittées plus tôt sans les goûts dispendieux de sa femme. Il se trouvait assez riche, trop riche, disait-il,