Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/25

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apprenne à me céder de bonne grâce. Soyez certaine que, si on n’apprend pas aux enfants à renoncer à ce qui leur plaît, ils ne l’apprendront jamais d’eux-mêmes. Le bonheur qu’on prétend leur donner en fait des malheureux pour le reste de leur vie.

Il avait peut-être raison. Je n’osai pas insister, et j’allai rejoindre mon élève avec l’intention de faire ce qui m’était prescrit, mais je la trouvai souriante.

— Épargnez-vous la peine de me persuader, me dit-elle dès les premiers mots ; j’ai entendu par hasard tout ce que papa vous a dit et tout ce que vous lui avez répondu. J’étais dans le jardin, à deux pas de vous, derrière la fontaine, et le petit bruit de l’eau ne m’a pas fait perdre une de vos paroles. Il n’y a pas de mal à cela, vous êtes deux anges pour moi, mon père et vous : lui, un ange à figure sévère qui veut mon bonheur par tous les moyens, — vous, un ange de douceur qui veut la même chose par les moyens qui sont dans sa nature ; mais voyez comme vous êtes plus dans la vérité que mon père ! Vous vouliez le faire renoncer à sa méthode, vous sentiez bien qu’elle pouvait me conduire à l’hypocrisie. Où en serait-il, mon pauvre cher papa, si, après m’avoir vue bien résignée, il découvrait que je n’ai pas pris au sérieux ses menaces ? Vraiment, si je dois être gâtée, comme on dit, c’est-à-dire corrompue moralement, ce sera par lui ! Il m’habituera à faire semblant d’être sacrifiée et à lui imposer ainsi, sans qu’il s’en doute, le sacrifice de sa volonté. Allons, Dieu merci, je suis meilleure