Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/280

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Je n’ai pas le droit d’être plus sévère et plus exigeant qu’elle ne l’est pour elle-même. Si on lit peu son livre, si on n’en parle que dans son cercle, ce ne sera point un obstacle à un livre meilleur par la suite.

J’aimais toujours Césarine malgré nos querelles, qui devenaient de plus en plus vives, et je l’aimais peut-être d’autant plus que je la voyais se fourvoyer. Il devenait évident pour moi que Paul n’avait pas pour elle l’amitié enthousiaste, absorbante, dominant tout en lui, qu’elle se flattait de lui inspirer. Il était capable d’une sérieuse affection, d’une reconnaissance volontairement acquittée par le dévouement ; mais la passion n’éclatait pas du tout, et il ne semblait nullement éprouver le besoin que Césarine et Marguerite lui attribuaient de s’enflammer pour un idéal.

Déçue bientôt de ce côté-là, que deviendrait la terrible volonté de Césarine, si elle ne pouvait se rattacher à la gloire des lettres ? Je n’étais pas dupe de son insouciante modestie. Je voyais fort bien qu’elle aspirait aux grands triomphes et qu’elle associait ces deux buts : le monde soumis et Paul vaincu par l’éclat de son génie. J’aurais souhaité qu’à défaut de l’une de ces victoires elle remportât l’autre. Je tâchai de l’avertir, et avec le consentement de Paul je lui fis connaître son opinion. Elle fut un peu troublée d’abord, puis elle se remit et me dit :

— Je comprends ; mon livre imprimé, il croit que j’oublierai le conseil utile et le correcteur dévoué. Il veut prolonger nos rapports d’intimité : il a raison ;